Le message du pape François à la cérémonie de décernement du Prix Jacques Hamel
Je suis heureux de m'adresser à vous tous qui êtes rassemblés à l'occasion du décernement du Prix Jacques Hamel. Je salue en particulier les organisateurs, les membres du jury et les nombreux journalistes présents. Je félicite enfin l'heureux vainqueur du Prix de cette année.
Il y a sept ans, un prêtre âgé, bon, doux, fraternel et pacifique, le Père Jacques Hamel, devant la violence sauvage et aveugle déchainée au nom de Dieu, rendait un beau témoignage au Christ. Il est apparu que ce témoignage irremplaçable devait être largement diffusé et connu, afin de servir d'antidote aux excès de violence, d'intolérance, de haine et rejet de l'autre, dont nos sociétés sont hélas de plus en plus le théâtre. Le décernement annuel de ce Prix visant à récompenser une œuvre journalistique contribuant à la paix et au dialogue interreligieux est un heureux moyen d'encourager, soutenir, et récompenser ceux qui œuvrent à la construction d'un monde plus fraternel, dans le respect des convictions de chacun. Et les professions de l'information sont en première ligne de cette construction car elles participent à la formation et à l'éducation des consciences, en particulier celles des jeunes générations.
Le défi est d'autant plus sérieux que les moyens de communication les plus divers sont aujourd'hui facilement accessibles à tous, et qu'ils véhiculent bien souvent des informations erronées, parfois volontairement fausses destinées à dresser les uns contre les autres, accueillies avec crédulité par des personnes n'ayant plus le sens du discernement critique ou profitant de leur état de faiblesse et de dénuement. C'est ainsi que les phénomènes de radicalisation se trouvent favorisés, attisés, en particulier dans certains groupes religieux qui en viennent à prôner la violence au nom de Dieu, ce qui est un blasphème.
C'est pourquoi la vérité est une exigence essentielle du travail journalistique au service du dialogue interreligieux. Le respect de vos lecteurs, comme des personnes et des groupes religieux dont vous parlez, la réclame. Annoncer la vérité sur ce que nous sommes, sur ce que nous croyons, et rechercher honnêtement ce que sont les autres et ce qu'ils croient, est la base indispensable pour vivre une fraternité dans le respect de la différence. Etre vrais, authentiques dans les relations humaines comme dans la recherche intellectuelle ! Je vous invite donc à toujours approfondir - et aider vos lecteurs à approfondir - votre foi, sans craindre parfois de devoir la purifier aux source de l'Évangile et du Magistère de ce qui a parfois pu l'obscurcir ; mais aussi informer sur la pensée des autres, sans tomber dans les clichés, les raccourcis faciles, et en ayant aussi le courage - et souvent il en faut - de dénoncer leurs erreurs et déviances inacceptables, surtout quand elles brisent la dignité de l'homme et la fraternité.
Mais l'intelligence dans votre travail ne suffit pas, il faut aussi le cœur.
Il est important « de communiquer avec le cœur, d'écouter avec le coeur, de voir avec le cœur les choses que les autres ne voient pas, afin de les partager et de les raconter en renversant la perspective et les catégories du monde »
(Discours aux communicants dans l'Église, 12 janvier 2024). Vous avez la charge de proposer une lecture chrétienne des événements qui ne s'abandonne pas à la culture de l'agressivité et du dénigrement, mais qui construise un réseau de partage du bon, du vrai et du beau, fait de relations sincères (cf. Ibid.). Je ne peux que vous inviter à toujours porter sur les autres un regard de bienveillance, et à en rendre témoignage devant les violents.
« La bienveillance est une libération de la cruauté qui caractérise parfois les relations humaines [...] Elle transfigure profondément les relations sociales et la façon de débattre et de confronter les idées, lorsqu'elle devient culture dans une société » (Fratelli tutti, n. 224).
Saint François de Sales, votre saint Patron, était un homme doux, éminemment bienveillant. Je confie votre important travail à son intercession. Demandant à Notre Dame de Lourdes de vous garder, ainsi que toutes les personnes qui vous sont chères, je vous donne ma Bénédiction.
Saint-Jean-de-Latran, le 15 janvier 2024
François